Les échanges de savoir-faire dans le monde de la biscuiterie
Les élèves de 1ère L-ES ont eu leur deuxième cours interdisciplinaire entre la S.E.S. (Mme Schlein) et l’allemand dans le cadre de la sortie à Rungis et à Reims fin novembre 2016. Le premier cours a eu lieu avant la visite des deux entreprises ; il portait sur le marché de gros et les échanges qui existent entre l’Allemagne et le MIN de Rungis. Le second a eu lieu les 8 et 9 février 2017 sur le thème cette fois des espaces et échanges entre les pays qui ont une forte tradition dans le milieu de la biscuiterie.
Dans le cadre de nos groupes de compétence, nous sommes actuellement sur la compétence majeure de l’expression écrite et nous traitons de la notion « espaces et échanges » (Pour voir les BO) du cycle terminal. Chaque notion du programme est abordée à travers le prisme d’un ou de plusieurs domaines particuliers dont le croisement permet de problématiser le sujet abordé. Il est au cœur du projet de séquence et facilite l’appropriation des compétences linguistiques et pragmatiques en contexte : ici ce fut « sociologie et économie » et « histoire et géopolitique ».
La séquence a été décomposée en deux parties : les deux professeurs d’allemand du niveau concerné (Mme Hertzler et M. Curin) s’échangent leurs classes respectives pendant leurs heures en parallèle avec une tâche précise à réaliser. Dans un premier temps, chaque groupe dut aborder les contenus et les compétences linguistiques associées chez un professeur qui fonctionne d’abord en compréhension de l’oral et en expression orale interactive sur la base d’une unité animée par le logiciel du tableau numérique interactif. Pendant l’heure d’après, le deuxième professeur prend en charge le groupe et fait le transfert des connaissances de la première heure avec des activités de compréhension et d’expression écrites. La seconde heure se termine par une rédaction en 100 mots sur les aspects particuliers de la séquence à propos de la notion étudiée.
Pour résumer les faits culturels transmis par la séquence, il faut retenir que les espaces concernés sont surtout les pays de l’Europe du Nord. Les échanges ont pris des formes très diversifiés et ils ont montré que la mondialisation n’est pas un phénomène aussi récent qu’on pourrait le penser. Ce sujet étant traité à nouveau en terminale, nous avons pensé apporter un premier éclairage en première dans le cadre de la progression spiralaire qui caractérise l’enseignement de langues.
La séance démarre par une question simple : connaissiez-vous FOSSIER avant le voyage ? Avez-vous une idée de ce que l’on vend des produits FOSSIER dans les pays germanophones ? La forte majorité, à commencer par le professeur lui-même, ne connaissait pas la marque et pourtant elle est la biscuiterie la plus ancienne de France. En demandant si les élèves connaissent les marques LU, Bahlsen ou De Beukelaer, on s’aperçoit que des marques moins prestigieuses et moins anciennes sont plus connues auprès des jeunes, soit par le nom, soit par le logo ou bien encore par un type de biscuit très particulier comme le Petit Beurre ou le Petit Prince fourré. L’amorce de la séance étant lancée, il suffisait de montrer quels échanges décisifs sont à l’origine de l’évolution des biscuits en Europe septentrionale depuis les « biscuits de mer » britanniques au XVème siècle jusqu’aux biscuits plus diversifiés en Belgique, Allemagne ou Autriche en passant par le savoir-faire des régions de référence en France comme le pays de Reims (Biscuits façon de Reims) ou le pays nantais (LU, BN). Des hommes, mobiles et novateurs, ont été chercher les savoir-faire dans les régions leader du secteur, en tête desquelles la Grande-Bretagne, ont importé et développé les techniques de fabrication dans leur pays (France, Belgique, Hollande, Allemagne,…) à l’image du Lorrain Jean-Romain Lefèvre qui créa la « Fabrique de biscuits de Reims et fruits secs » à Nantes en 1756 ou du Belge de Beukelaer qui créa l’usine de fabrication des « Prinzenrollen » à Kempen en Allemagne (Site où l’on continue la production de ce double biscuit emblématique). Le sujet de la contrefaçon et de la copie a été également abordé car les échanges aboutissent fatalement sur des tensions entre les industriels qui se battent pour l’exclusivité de leurs produits comme Louis Lefèvre-Utile avec son « Petit Beurre » copié partout en Europe, et notamment par Bahlsen avec son célèbre « Leibniz-Butterkeks ».

Leibniz
Pour insister sur le caractère multiculturel du sujet, la séance a rappelé le rôle joué par la marine et les bateliers, les colonies et les familles aristocratiques mais aussi les monastères masculins ou féminins d’Europe. Les Visitandines et les macarons de Nancy trouvent par exemple leur origine dans des couvents de religieuses de même que le pain d’épice allemand médiéval s’est développé dans les monastères comme à Nuremberg. Pouvoir conserver les aliments sur les bateaux était vital ; le premier biscuit (ship’s biscuit) est dur, quasi immangeable sans le tremper, plutôt salé que sucré. La plupart des biscuits britanniques sont des descendants de ces « hard tacks ». FOSSIER a su innover et partir sur un autre secteur que celui des Ecossais à l’image de la célèbre marque industrielle McVitie’s. Comme l’Ecosse avant lui, le pays de Reims devient une référence de sorte qu’il inspire les pâtissiers du Grand-Est : pensons aux appellations contrôlées des macarons de Boulay (Moselle) ou des biscuits Cochon de Stenay (Meuse). Par après, il est vrai que la « façon de Reims » s’efface derrière la biscuiterie industrielle démarré par LU, poursuivie par Bahlsen, De Beukelaer, Manner ou Coppenrath dans les pays germanophones. Avec la mondialisation et les rachats par les nombreuses multibationales, on ne sait plus trop que les Princes fourrés de Beukelaer sont passés chez LU, puis Kraft Foods et aujourd’hui dans les mains de la grande multinationale Mondelez International.
A l’issue de la séquence, les élèves ont également réfléchi sur les échanges pour le moins étonnants entre les pays concernant l’appellation des biscuits dans les langues européennes. On remarque clairement les influences passées et présentes. Les Britanniques empruntent au français, les Hollandais empruntent à l’anglais avec une néerlandisation du terme (Kookjes). Les Allemands adoptent une graphie germanique du terme anglais quand les premiers colons américains préfèrent adopter le terme néerlandais issu lui-même de l’anglais « cakes ».
Pascal Curin
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